Chapitre 14

Chapitre 14, dernier chapitre.

Angele

J’entre et la psy me fait signe de m’asseoir sur le divan. Mes visites se sont beaucoup espacées ces derniers temps. Autant dire que je ne venais plus depuis les vacances de Noël à peu de choses près, alors elle m’a fait appeler pendant un cours de maths. Argh, j’avais oublié à quel point ce siège était inconfortable.

- Alors Angele, comment vas tu ?
- Bien.

Elle me regarde par dessus ses lunettes.

- Vraiment ? Tu es sûre que tu ne te sens pas un peu déprimée ?

Je rêve ou c’est une lueur d’espoir dans sa voix ?!

- Non, tout va bien. Je suis avec ce garçon génial et je l’ai…

Glissant sur sa chaise à roulettes à travers toute la pièce pour me rejoindre, elle m’interrompt :

- Un garçon ?! Comment est-il ?!

Wow, encore plus hystérique que les pétasses qui pullulent dans cette école. Si je lui réponds que Jared est parfait, elle me prendra forcément pour l’une d’elles, c’est certain. Ou alors elle me ressortira son dossier et dressera la liste de ses défauts.

- Il est mignon, il s’appelle Jared et…
- Gacy ?!

Je me redresse en prenant appui sur mes coudes. Bon, je m’y attendais, mais à ce point là… Elle a vraiment l’air sur les nerfs. Elle se lève et commence à faire les cent pas.

- C’est pas un type pour toi. Ce garçon est un petit con qui a de sérieux problèmes avec l’autorité !
- C’est même pas un de vos patients, qu’est-ce que vous en savez ?

C’est vrai quoi, il a jamais eu besoin d’aller la voir…

- Je l’ai surpris en état d’ébriété la plus totale !
- Yep, c’est bien mon Jared. Qu’est-ce que ça peut vous foutre qu’il boive ? Il faut bien ça pour supporter le climat qui règne dans cet internat… Ecoutez…

Je me remets debout. Ca fait pas une heure mais elle a déjà réussi à venir à bout de ma patience.

- … je vais bien, vraiment. Je ne déprime plus, et même si je pense toujours à Mason je n’ai plus envie de fondre en larmes chaque fois que je vois quelque chose qui me le rappelle, je crois que j’ai réussi à… à faire mon deuil. Et Jared est vraiment un gars bien, même si vous le voyez pas. On s’aime, il m’aide à avancer… Il me rend heureuse. J’ai plus de problèmes. Je peux y aller ?

Elle s’arrête, me tournant le dos, les mains appuyées contre le rebord de son bureau.

- Tu… Oui.

Je ne demande pas mon reste et file. Normalement j’en aurais encore eu pour une demi-heure… J’hésite à retourner en cours, avant de me rappeler qu’un épisode de Scrubs m’attend patiemment sur mon disque dur. God bless azureus.

Peter

Je balance le livre que je lisais un peu plus loin. Suis tout seul dans ma chambre, pour changer. Ces derniers temps Stian va mieux, et il ne passe pas une seconde ici. Tout le temps en "balade". Et Angele est tout le temps collée à ce connard de Jared. Heum. Je me lève, m’étire un peu. J’ai surmonté le fait que Lilly m’ait largué et qu’elle se fasse maintenant sauter par la plupart des mecs hétéros de cette école. Je sais pas ce qui lui prend, je la reconnais plus. Peut être que j’étais simplement aveuglé et qu’elle a en réalité toujours été comme ça. Et si j’allais faire un peu de sport ? Je m’apprête à sortir mais quand j’ouvre la porte, je tombe nez à nez avec un type atrocement craquant. Je l’avais déjà remarqué plusieurs fois ces derniers temps à la bibliothèque, ou dans les couloirs, et on avait échangé quelques regards… Mais jl’avais jamais vu d’aussi près. Seigneur, m’envoies-tu un signe ? Est-ce une réponse à mon envie de faire du sport ?! Ses cheveux lui retombent sur le visage, masquant ses yeux que je devine bleus. Et ça se vérifie lorsque d’une main il dégage sa vision. Le genre de type qu’on voit sur n’importe quel myspace, un cliché vivant, mais tellement adorable…

- Hého ?
- Hein ?

J’émerge.

- Je viens de te demander si Owenn était là…

Il scrute la pièce vide derrière moi, et répond lui même à sa question :

- Apparemment non.
- Je…

Il me coupe la parole. Si tant est qu’on puisse appeler ça une parole puisque je n’avais pas la moindre intention ni la moindre idée de comment terminer ma phrase. Seigneur, ses lèvres.

- Tu me fais entrer ou t’es occupé ?

Je m’écarte, le laissant passer. Putain, je vais bientôt pouvoir ré articuler des phrases cohérentes oui ou non ?!

- Tu es Peter Sullivan… C’est ça ?
- Oui… Je… Comment…
- Je connais vaguement ton ex, Elizabeth quelque chose…

Rah, encore un qui se l’est envoyée. Je claque la porte. Ok, tire un trait là dessus Peter. De toute façon, si un type aussi canon était intéressé par les mecs, ça se serait su. Il ajoute :

- Fais pas cte gueule, on a jamais… Yeurk, non, vraiment pas mon genre de… Personne.

Yeurk ?!

- Bah, elle est super canon et très gentille…. Enfin, jle croyais.
- Peut-être, mais en tout cas elle est stupide.

Un mec hétéro ne ferait jamais passer l’intelligence avant le reste. Il est donc forcément gay ! La vie redevient belle ! Tout en me retenant de sourire, je lui lance :

- Hey ! Pourquoi tu dis ça ?

Je suppose que j’ai eu l’air un tantinet agressif, même si c’était loin d’être mon objectif, parce qu’il fronce les sourcils une fraction de seconde. Il s’approche de moi et me glisse à l’oreille :

- Elle t’a plaqué, elle est forcément conne.

Oh my god ! Je rêve ou il me drague ??! C’est carrément pas subtil, ça doit être pour se moquer… C’est vrai, pourquoi il me… POURQUOI IL ME TOUCHE LE CUL ?! Je… Je suis pas un garçon facile… Bon, il est collé à moi, me regarde droit dans les yeux… Et je me dégage. L’expression qu’il fait à ce moment là me ferait presque perdre mon sérieux.

- Tu veux quelque chose à boire ? On a du whisky, de la tequila, de l’absinthe et il nous reste peut-être un peu de coca.

J’ouvre le mini-bar et réalise que la bouteille de coca est vide.

- Rectification, Angie a dû finir le coca.

Il me fixe, les yeux écarquillés, comme si j’étais le dernier des alcooliques. Y a vraiment pas de raison ! Si je l’étais, le coca serait plein, et le reste asséché. Quel manque de logique !

- Ca ira, merci…

Bon, maintenant, trouver un sujet de conversation, ou quelque chose du genre…

- Tu t’appelles comment ?

Il sourit. Oh mon Dieu, ce sourire…

- William. Mais tu peux m’appeler Will.

Je suis raide dingue de ce prénom depuis que j’ai vu Will Hunting, c’est un signe du destin. Une façon pour le Karma de me demander pardon pour toutes ces merdes qui me sont tombées sur la gueule récemment, un gigantesque "Je te présente mes excuses, Peter Sullivan ! A l’avenir je promets de ne plus confondre ton dossier avec celui d’un néo-nazi fan de Tokio Hotel ! Puisses-tu me témoigner la plus extrême clémence !" Que c’est bon d’avoir l’Univers de son côté !

Jared

J’entre tout doucement dans sa chambre. Allongé sur le lit les yeux clos il écoute la musique.

Imagine there's no heaven
It's easy if you try
No hell below us
Above us only sky

- AHA !

Je fais un bond en avant, il sursaute.

- Oh putain t’es con…tu m’as fait peur.

Je rigole avant de me poser à côté de lui.

- C’quoi ta chanson de tapette ? Ca pue la reprise…
- Hum. « Imagine » et oui là c’est une reprise d’APC mais elle est géniale.
- Mouais bof…J’ai quelque chose pour toi !

You may say I'm a dreamer
But I'm not the only one

Il me regarde, curieux.

- Et qu’est-ce ?
- Tada !

Je sors un sachet de ma poche. Il me le prend et inspecte le contenu.

- Des comprimés avec des dessins dessus ? Ecstasy ?

Je souris et m’empare du trésor d’un geste brusque.

- Non, mieux ! Fabrication maison de notre ami commun, avec recette unique, introuvable ailleurs…
- Effets secondaires indésirables ?

Je hausse les épaules et lance.

- Tant qu’on est déchirés on s’en fout !

On rigole et il me tend la paume pour que je lui en donne un.

- Tiendé celui-la ! Moi j’prends l’étoile.

On se regarde. Un, deux, trois on avale la drogue d’un même mouvement. C’est parti . Il m’avait dit que ce serait rapide mais là…Putain. La montée est immédiate. Je me lève pour aller m’étaler sur le lit de Pete juste à côté. Sébastian a déjà totalement décroché de la réalité. Allongé il regarde le plafond, je fais de même. Celui-ci est d’un bleu tirant légèrement sur le vert, j’ai l’impression d’être posé dans l’herbe, profitant du soleil. Une fumée violette franchit mes lèvres à chaque respiration. Je fume ? Mais j’ai rien allu…Je…pensais à quoi là ?...Ooh balaise de la fumée violette !...Aie, mon cœur bat à m’en déchirer la poitrine…putain. Je ferme les yeux mais même là, tout bouge. Stop ça va trop vite…Quelqu’un me secoue et m’appelle mais c’est si lointain c’est…

- Jared ! Répond moi !

De la lumière. Angele. Elle est penchée sur moi les traits inquiets. Depuis longtemps ? Je lui souris et caresse sa joue.

- Bonjour mon ange.
- T'avais dit que tu arrêterais !
- De quoi ?...Ah.

Elle tient dans une de ses mains le sachet. Je me redresse et tout se met à bouger, je retombe. Finalement je m’appuie sur les coudes avant de reprendre, très calme.

- …J’ai dit que j’essayerai et on parlait cocaïne.
- Bien sûr ! Tu arrêtes la coke, tu commences l'ecsta, c'est comme ça que ça marche ?!

J’ouvre la bouche pour répondre, hésite un instant puis lui lance toujours autant serein.

- Ben en fait chérie, d’un certain point de vue, ce n’est pas de l’ecstasy.
- Je…je te comprends pas…

Elle soupire et une fumée orange se dissipe dans l’air. J’essaye de l’attraper d’un vague geste du bras mais abandonne bien vite.

- …On en parlera quand tu seras en état.

Je prends sans qu’elle ne le voie un comprimé. Elle se lève et tourne les talons mais réussissant cette fois à m’asseoir, je la chope par le poignet et l’attire contre moi. Je la fais tourner et, me plaçant sur elle, l’embrasse, faisant ainsi glisser la drogue de mes lèvres aux siennes. Je pose délicatement le bout de mes doigts sur sa bouche.

- Tu veux comprendre ? Avale.

Sébastian

« …vous dites que l'homme ne saurait absolument pas se passer de la consolation que lui apporte l'illusion religieuse, que, sans elle, il ne supporterait pas le poids de la vie, la réalité cruelle. Oui, cela est vrai de l'homme à qui vous avez instillé dès l'enfance le doux poison. Mais de l'autre, qui a été élevé dans la sobriété ? Peut-être celui qui ne souffre d'aucune névrose n'a-t-il pas besoin d'ivresse pour étourdir celle-ci… »

- Ciel, tu fais toujours semblant de comprendre ce que te dis Freud ?

Je souris et lève les yeux de mon bouquin. Envey est assise au sommet d’une des immenses bibliothèques débordantes de livres de toutes sortes.

- Et toi tu aimes toujours autant te balader en hauteur…comment es-tu montée là haut ?

D’un geste de la tête elle me montre l’échelle un peu plus loin, servant à s’emparer des ouvrages même les plus inaccessibles.

- Si la surveillante te voit là elle va défaillir. Si tu glissais…
- …je ne tombe jamais tu le sais très bien.

Elle me tire la langue. Mouais, après tout c’est pas plus dangereux que la corniche d’où elle regardait la pluie à Newcastle. Je secoue la tête un sourire aux lèvres et me replonge dans ma lecture.

- Mon ange…

Aoutch, rien qu’au son de sa voix je sais que Sigmund ne fera pas le poids. A nouveau je détache mon regard de « L’avenir d’une illusion » pour elle. Elle fait glisser lascivement une de ses mains vers l’intérieur de sa cuisse remontant ainsi légèrement sa jupe. Je lui tire la langue.

- Si tu veux quelque chose viens le chercher.

Elle me lance un regard noir avant de se pencher en avant.

- Très bien alors je saute te rejoindre!
- NON !

Le livre va s’éclater contre le mur et la chaise tombe alors que je me précipite pour la rattraper.

- PUTAIN !

Elle rigole dans mes bras alors que je me reprends de ma frayeur.

- T’es folle t’aurais pu t’éclater la tête! T’as vu comme c’est haut ?!

Elle m’embrasse, ça l’amuse. Elle aime ce genre de décharge électrique. Je rigole à mon tour mais c’est plus à cause du soulagement.
- Excuse moi chéri, mais je savais que tu y arriverais.
- Tsss…c’était risqué…
- …mais j’te fais confiance.

A nouveau nos lèvres se rencontrent.

- Sébastian ! Je ne sais pas ce qui t’a pris mais à l’avenir prends plus soin du matériel scolaire !

Yeurk, la surveillante. Plus refroidissant tu meurs. Je lui lance d’une voix presque machinale.

- Oui madame, excusez moi madame.

Je me lève sans lâcher Envey et ramasse le bouquin que je pose sur la table. ‘Vey fait un bras d’honneur à la vieille râleuse, je rigole et attrape sa main pour l’amener ailleurs.

Angele

Je sors d’une salle de classe où j’ai passé les 45 dernières minutes à écouter distraitement les tribulations d’un quinquagénaire sur la guerre du viet-nâm. Et j’ai une furieuse envie de Bún thang et de Nems. Vas y pour trouver ça dans cet internat. Sébastian arrive toujours à mettre de la main sur de l’alcool et de la weed, mais des Nems… Pff. Je suis une incomprise. J’ai envie de me goinfrer, mais impossible dans un endroit pareil. Est-ce que Jared m’aimerait toujours si je pesais 150 kilos ? Je jette pêle-mêle mes bouquins dans mon casier. Journée finie. Je vais retourner à ma chambre, prendre une douche, et ensuite je regarderai un bon film, tranquillement… Ca fait des semaines que je voulais voir Le Prestige, mais impossible de trouver le temps entre les examens et Jare… Mais qu’est-ce qu’il fout à discuter avec le type sur qui craque Peter ? Je m’approche alors qu’ils se serrent la main.

- ‘Jour chéri.

Il sursaute en me voyant et s’éloigne rapidement de William.

- Mon ange ! Tu vas bien ?

Il me laisse pas le temps de répondre et m’embrasse.

- Maintenant oui ! Et toi ?

Il ouvre la bouche pour répondre, mais Will l’interrompt et nous prévient précipitamment :

- Je vais vous laisser. Peter est dans sa chambre ?
- Je pense.

Une fois qu’il s’est un peu éloigné, j’interroge Jared.

- Qu’est-ce que tu foutais avec ce type ?

Il a un mouvement de recul, j’éclaircis ma pensée :

- C’est juste que… Je sais pas, jpensais pas que tu lui parlais… Qu’est-ce que tu lui voulais ?
- C’est lui qui est venu me voir pour un devoir de chimie.
- Peter est super bon dans cette branche, il devrait aller le voir lui.
- C’est exactement ce que je lui ai dit. On est vraiment complémentaire toi et moi !

Je lui envoie une légère tape dans l’épaule.

- Ne te moque pas de moi ! Au fait, ça va mieux avec Peter ?

Il ne répond pas, et me propose immédiatement :

- Samedi, ça te dirait qu’on aille se balader ? J’ai envie qu’on passe un peu de temps en dehors d’ici.
- Dans le parc ?
- Je pensais plutôt au lac… Il commence à faire super bon ces temps-ci alors…

J’essaie de cacher mon enthousiasme, mais je suis sûre qu’il le devine sans le moindre problème.

- J’adorerais.

Il passe une main autour de ma taille et m’entraîne avec lui. J’oppose une légère résistance.

- Tu as quelque chose de prévu ?
- En fait je…

Il me fait une moue adorable.

- Non, rien.

Christian Bale attendra.

Peter

Je rentre dans ma chambre et y trouve Sébastian, en train de fumer… pour changer. Il devient de plus en plus étrange, passant de nombreuses soirées cloîtré ici… Mais ça a l’air de le rendre heureux puisqu’il a retrouvé le sourire.

- Hello
- Salut.

Il recrache lentement la fumée. Je me dirige vers l’armoire et change de t-shirt, balançant l’autre dans la corbeille à linge sale. Bon, il restera pas ici une nuit de plus !

- Tu fais quelque chose ce soir ? On avait pensé aller visionner un film dans la chambre d’Angie, même Will est partant.
- Non, mais c’est parfait, on avait besoin d’être un peu seuls…

Huh ? Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Devant mon regard, il s’empresse d’ajouter :

- C’est pas que tu es de trop, mais par moments on préfèrerait être juste elle et moi…

Elle et…

- De qui tu parles ? Séb, t’es vraiment de plus en plus bizarre ces derniers temps… Qu’est-ce qui t’arrive ?!
- Je suis pas bizarre, je suis heureux ! Et tu sais bien de qui je parle, fais pas l’imbécile Panpan.

Je le dévisage sans comprendre. Mais qu’est-ce qui lui prend ?

- Arrête de me matter comme ça ! Je sais que depuis son retour t’as dû nous subir de nombreuses nuits, mais même si ça la dérange pas moi ça finit par me gêner un peu…
- Depuis le retour de qui ?

Il m’observe comme si j’étais un débile profond, et que lui détenait le savoir absolu. J’ai loupé un chapitre ou quoi ?!

- Bah d’Envey !
- … Fais pas le con avec ça.

Je claque la porte de l’armoire violemment et continue, un peu agressivement :

- Tu sais qu’elle me manque aussi énormément.
- Quoi qu’elle te manque ? T’as qu’à bouger ton cul et aller lui parler… C’est pire que ces amoureux qui après 10 minutes sans s’être vus sont là "Mon amour la vie sans toi c’est horrible"…

Mais…C’est quoi son trip ?

- Stian… Elle est morte depuis plusieurs mois… C’est un peu dur de lui parler…

Son visage se défait quelques instants, puis il éclate de rire.

- Très drôle Panpan, on y croirait presque. Tu devrais vraiment faire du théâtre. La voilà !

Je me tourne, croyant, voulant croire, que ce qu’il vient de dire est vrai. Mais non, la porte reste close.

- Sébastian… Y a que toi et moi.

Ses lèvres bougent presque imperceptiblement, sans qu’aucun son n’en sorte. Je le vois fixer quelque chose derrière moi, puis il se lève et secoue la tête de gauche à droite.

- Tu… Tu deviens lourd.

Il passe à côté de moi, voulant sortir, mais je le retiens par le bras. Il me pousse et je vais me cogner contre l’armoire. Aie.

- Putain mais Stian ! Elle est pas ici ! Elle est morte et elle reviendra pas ! Arrête ton plan à la Russel Crowe, ça me fait flipper !
- MAIS SI ELLE EST JUSTE LA !

De son doigt, il pointe un coin désespérément vide de la pièce. Je m’approche lentement de lui.

- Stian… On va aller à l’infirmerie… T’as dû prendre un truc qui t’est pas passé…

Faut dire que quand on voit toutes les merdes qu’il consomme depuis l’arrivée de Jared…

- NON ! Je vais parfaitement bien bordel ! Fous moi la paix putain !

Il me pousse encore une fois et se barre en courant. Je mets quelques instants avant de rassembler mes esprits, puis me lève et part à sa recherche. Merde merde merde.

Jared

Une fois passée la grille on arrive au lac. Il a bien changé depuis notre soirée patinage mais n’en est pas moins magique. On pose nos affaires sur l’herbe et alors qu’elle se pose je vais sur le ponton. J’ôte mes groles, mon t-shirt puis mon pantalon.

- Tu vas pas sauter quand même ?!
- Bien sûr que si !

Je recule de quelques pas puis cours avant de plonger. Je remonte à la surface et jure. Angele toujours assise au soleil rigole.

- Froide ?
- Gelée !

Je secoue la tête et nage jusqu’au bord.

- Tu me rejoins mon ange ?
- Mmh…non.

Je lui souris et, sortant du lac, marche jusqu’à elle. Je m’allonge sur elle et l’embrasse. Elle me repousse au moment où elle sent ses habits s’imbiber des gouttes qui perlaient sur moi.

- C’était fourbe ça…
- Et je peux faire pire…
- Non !

Je me lève et l’attrape par la taille avant de la lancer sur mon épaule. Elle frappe mon dos et gesticule pour que je le lâche.

- Jared non ! Non !

Je rigole et la jette à l’eau avant de la suivre. L’air entre dans mes poumons juste avant qu’elle ne m’attrape au cou pour me couler. Je me laisse faire mais la tire au fond avec moi. Epuisés on va s’allonger sur la rive. On reste l’un face à l’autre, nos respirations rapides et nos corps secoués par le froid. Je l’attire contre moi, elle enfouit son visage dans le creux de mon cou. Je ferme les yeux. On va être malades mais putain ce que je m’en FOUS, on est tellement bien…

- Hm ?

Je me réveille. Merde. On s’est endormis. Il commence à pleuvoir. Je me demande pendant combien de temps nous sommes restés ici…

- Mon ange, debout il pleut.

Elle marmonne avant de se serrer encore plus contre mon torse. Je rigole et lui caresse la joue.

- Chérie…
- …suis bien là…
- Moi aussi mais on va se retrouver enlisés dans la boue et même si j’avoue que ça me plairait beaucoup de te voir te rouler dedans, une pneumonie c’est jamais marrant. So, debout princesse !

Elle ronchonne encore un peu mais je me lève et, la prenant sous les bras, la force à faire de même.

- Mais…

Je l’embrasse.

- Allez, j’ai une idée qui devrait te plaire mais que je ne peux pas mettre en pratique ici.

Elle me regarde curieuse et je lui souris. On ramasse rapidement nos affaires, je remets mon pantalon et on retourne à O’brien. On s’apprête à aller prendre une douche dans sa chambre quand quelqu’un nous appelle dans le couloir. On se retourne, je grimace. Forcément lui.

- Que peut-on faire pour toi, « Panpan » ?
- C’est Sébastian! Il va pas bien du tout il faut que t’ailles lui parler!

Sébastian ?! Je lâche tout et poussant Pete m’en vais en courant vers sa chambre.

Sébastian

Il pleut. Je regarde les gouttes venir s’écraser puis mourir sur la fenêtre de la chambre. Merde. C’est comme ça que tout finit ?

Backbeat the word is on the street
That the fire in your heart is out
I'm sure you've heard it all before
But you never really had a doubt
I don't believe that anybody feels
The way I do about you now

And all the roads we have to walk are winding
And all the lights that lead us there are blinding

Suis-je donc devenu un de ces cas cliniques que je souhaitais étudier plus tard ? Salement ironique comme situation…Je resserre un peu plus l’arme dans ma main. Je sens ses bras m’entourer la taille, elle se blottit contre mon dos. Elle pleure,…On pleure. Sa voix n’est qu’un murmure.

- Chéri…ne fais pas ça…je t’en supplie.

J’avale ma salive avec peine. Imaginaire, Elle ? Mais alors pourquoi je sens son corps contre le mien ? Pourquoi sa respiration caresse-t-elle mon bras ? Pourquoi ses larmes humidifient-elles ma chemise ? Pourquoi…pourquoi est-ce que je sens battre son cœur ?


There are many things that I would like
To say to you
But I don't know how
Because maybe
You're gonna be the one that saves me ?

La porte s’ouvre.

- Sébastian !

Jared.

- Putain qu’est-ce que tu fais…

Elle me lâche et disparaît. Je me retourne, Elle est sur le lit. Je souris à Jared et lui dit, d’une voix un peu cassée.

- T’as vu…c’est fou tout ce qu’on peut trouver dans une école hein ?

J’agite le flingue. Il est incroyablement calme, triste même.

- Dude…pose ça...
- Elle est assise sur le pieu, Elle nous regarde, les yeux rouges parce qu’Elle a pleuré, Elle ne veut pas que je la laisse…Jared, si ça n’est que mon imagination, autant en finir maintenant…Je ne désire pas vivre comme ça…

Il avance de quelques pas.

- Sébastian…tu…tu peux pas faire ça…On trouvera une solution…

Je l’ai déjà trouvée.

- Sébastian, écoute le je t’en prie…

Je la regarde et lui souris. Elle s’est levée et se tient à côté de Jared, des larmes glissent sur ses joues. Elle est tellement belle…elle ne peut pas…c’est impossible que tout cela soit…qu’elle soit…Irréelle ?

Today was gonna be the day
But they'll never throw it back to you
By now you should've somehow realised
What you're not to do
I don't believe that anybody feels
The way I do about you now

- Non.

…m’enfuir. Loin de tout ça, vite, terminer dans une boîte et puis merde. A quoi bon vivre si c’est sans elle? Gavé de cachets et anesthésié du monde qui m’entoure? Stupide Sébastian, tu as été stupide, tu aurais dû le faire bien avant. Avant de te prendre cette gifle, avant de réaliser qu’on pouvait tomber encore bien plus bas…

I said maybe
You're gonna be the one who saves me ?
And after all
You're my wonderwall
I said maybe
You're gonna be the one that saves me ?

…tomber sans pouvoir s’arrêter, sans pouvoir…s’échapper. Le mot a franchi mes lèvres sans que je ne le veuille, dans un murmure. Oui, s’échapper. Plus rien d’autre n’a d’importance à présent, j’ai la réponse à la seule question qui vaille la peine d’être posée…La reverrai-je ?...

- Sébastian arrête !

…Non.